ÉTUDE DE DOCUMENTS EN CLASSE DE SECONDE

  Sujet :  Quelle place et quel rôle pour le peuple pendant la période 1789 à 1799 ?  

DÉMARCHE

I.                     Analysez, y compris de manière critique, l'ensemble documentaire en répondant aux questions.

        1. Présentez les doc. 1 et 3 en insistant sur les trois contextes. Sur quels droits et principes, dont le peuple peut être bénéficiaire,  chacun de ces trois extraits insistent-ils?.

        2. présentez le document 2. Quelle est l’opinion de Chateaubriand sur la participation populaire à cette journée ?

        3. présentez le contexte de mars 1793 (doc. N°4). À cette période, quels sont les différents engagements du peuple  ?

  4. En présentant le contexte du doc.4, dites quelle période politique précède celle du discours de Boissy d’Anglas ? En quoi sa proposition est-elle une réaction à cette période antérieure ?

 

II.                    Rédigez une réponse au sujet. Organisez cette réponse en fonction des informations extraites des documents et de vos connaissances.

Prenez soin de définir le sens  que l'on  peut donner à "peuple". Tenez  compte de ce qui fut acquis par le peuple dès le début de la Révolution et après. Voyez sur quels acquis les avis s'opposaient.

Pensez à  l' action du peuple et à ses divisions partisanes.



Pages de documents :


oc. 1 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. 20-26 août 1789

 Article 1 : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

 Article 6 : La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle  protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités.

 Doc.2 CHÂTEAUBRIAND, dans ses Mémoires d’outre-tombe, éditées en 1848, décrit ainsi la journée du 6 octobre 1789 :  « Timide dans les salons, j’étais hardi sur les places publiques : je me sentais fait pour la solitude ou pour le forum. Je courus aux Champs-Élysées : d’abord parurent les canons, sur lesquels des harpies, des larronnesses, des filles de joie montées à califourchon, tenaient les propos les plus obscènes et faisaient les gestes les plus immondes. Puis, au milieu d’une horde de tout âge et de tout sexe, marchaient à pied les gardes-du-corps, ayant changé de chapeaux, d’épées et de baudriers avec les gardes nationaux ; chacun de leurs chevaux portait deux ou trois poissardes, sales bacchantes ivres et débraillées. Ensuite venait la députation de l’Assemblée Nationale ; les voitures du Roi suivaient : elles roulaient dans l’obscurité poudreuse d’une forêt de piques et de baïonnettes. Des chiffonniers en lambeaux, des bouchers, tablier sanglant aux cuisses, couteaux nus à la ceinture, manches de chemises retroussées, cheminaient aux portières ; d’autres égipans* noirs étaient grimpés sur l’impériale […] On tirait des coups de fusil et de pistolets ; on criait : « voici le boulanger, la boulangère et le petit mitron ! » Pour oriflamme, devant le fils de St Louis, des hallebardes suisses élevaient en l’air deux têtes de gardes-du-corps…. »  

* surnom de Pan et des satyres

 

Doc. 3. texte et image

 - Constitution de juin 1793 et article de la déclaration des droits  de l’homme et du citoyen de la même date :

   Article 21 de la déclaration :Les secours publics sont une dette sacrée ; la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.
  
Article 4 de la constitution : Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis […] est admis à l’exercice des droits de citoyen français.

 - «Sans-culotte parisien», dessin anonyme, musée Carnavalet, photo Bulloz.

http://missiontice.ac-besancon.fr/hg/grenier/minisite/1789_99/images/sansculotte.jpg

Doc. 4. Une révolte vendéenne : 

   « Le 13 mars 1793 se présenta dans le bourg une quantité de gens armés de fusils, brocs, fourches, faux, ayant tous des cocardes blanches et décorés d’une petite médaille carrée en étoffe sur laquelle sont brodées différentes figures tels que croix, cœurs percés de piques […] Tous ces gens criaient : « nous voulons notre roi, nos prêtres de l’Ancien Régime » et qu’ils voulaient égorger tous les patriotes […] Cette troupe se jeta sur tous les patriotes qui s’étaient  réunis pour s’opposer à leurs entreprises, en tua plusieurs, en fit plusieurs prisonniers et dispersa les autres. »  

   Déposition de deux témoins, Archives du Maine-et-Loir.  

 

Doc.5 Discours de Boissy d’Anglas, le 23 juin 1795. (Élu à la Convention en 1792) 
   « Nous devons être  gouvernés par les meilleurs : les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ; or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux  qui, possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve. […] Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social ; celui où les non-propriétaires gouvernent est dans l’état de nature. »


Eléments de correction :

1. Ces doc. sont des extraits de textes institutionnels, articles de préambule comme la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789  ou de 1793 ou article de la constitution de juin 1793. le  doc. 3 est accompagné d'une image de sans-culottes qui permet de comprendre les caractères sociaux de ces hommes.
  En août 1789, lors qu'est rédigée la DDHC, la révolution est engagée depuis juin et l'assemblée des États Généraux, transformée en assemblée nationale constituante après le serment du jeu de paume, affirme les principes sur lesquels elle va fonder la nouvelle constitution. Le passage de l'ancien régime avec monarque absolu et privilèges sociaux à un nouveau régime de monarchie constitutionnelle fondé sur les libertés et l'égalité en droit est engagé.

   En juin 1793, la République est en place  depuis septembre 1792. Les montagnards la dirigent dans un contexte de  guerre civile et d'attaques des monarchies voisines. Ils tiennent compte des aspirations populaires, surtout celles des sans-culottes parisiens. Ceux-ci sont armés et tiennent le haut du pavé, organisés en sections de  quartiers à Paris. Par une constitution, les députés accordent le suffrage universel aux plus de 21 ans, le droit au travail ou à l'assistance publique. Mais cette constitution ne sera pas  appliquée.

   2. Chateaubriand, grand écrivain, mais alors jeune homme fougueux et inconscient, a été témoin du retour du roi de Versailles à Paris en octobre 1789. Dans ses  mémoires, il donne son point de vue, a posteriori, sur l'intervention populaire à l'origine de cet évènement.

   Il la décrit avec beaucoup de réalisme et de parti-pris. Ses propos sont ceux d'un aristocrate méprisant à l'égard de la "populace", insistant sur la violence, la brutalité, la vulgarité et le manque d'égard à l'encontre de la famille royale. Visiblement, le jeune Chateaubriand a été choqué.  Pour lui, l'intervention populaire est anormale, malsaine et destructrice. On a là, un point de vue déformé par la  distance sociale et par la connaissance des excès de la terreur auxquels le peuple des villes a été plus ou moins mêlé.

   3. En mars 1793 la République est en  péril face à l'ennemi extérieur. C'est pourquoi elle décrète une levée en masse dans toute la France. En Vendée, le peuple s'y refuse en majorité et affiche son engagement pour la monarchie et le clergé. Les affrontements sont alors d'une grande violence.

   Les Français sont profondément divisés entre Républicains révolutionnaires et contre-révolutionnaires.

   4. Avant que ne s'exprime, en 1795, le député Boissy d'Anglas élu à la Convention dès 1792,  la terreur régnait. Celle-ci marque la République entre septembre 1793 et juillet 1794. Les sans-culottes s'imposaient parfois, mais surtout les montagnards craignaient toute forme d'opposition et éliminaient leurs adversaires avant de s'éliminer entre eux.

   Boissy d'Anglas ne veut plus que les sans-culottes puissent participer à la vie publique. Pour lui, les excès de la terreur proviennent des excès du peuple (il ne veut pas voir la responsabilité des députés de la Convention dont il fait partie). Le suffrage universel  précédemment accordé, mais non appliqué, lui paraît être un danger pour la République. Il propose donc un suffrage censitaire favorable aux plus riches et aux plus instruits.

 

   Éléments pour une synthèse. 

   Le peuple est actif pendant la révolution. Ce peuple est celui que l'on définit par ses caractères sociaux de relative pauvreté; non propriétaire ou seulement petit propriétaire d'un atelier, d'une boutique comme l'étaient beaucoup de sans-culottes parisiens et petit  paysan dans les campagnes.

  Dès l'été 1789, en même temps que la bourgeoisie, le peuple se voit reconnaître des droits avec l'égalité proclamée par l'assemblée constituante, avec la suppression des privilèges dès la nuit du 4 août. Déjà, c'est l'action populaire (14 juillet et surtout Grande peur dans les campagnes) qui a accéléré ces changements.

   Mais la participation à la vie publique n'est accordée qu'à ceux qui payent l'impôt, le suffrage est censitaire. Les problèmes sociaux persistant, l'action populaire est de plus en plus vive.
  
   En 1792 et surtout 1793, les sans-culottes, citadins et surtout parisiens poussent l'assemblée à accorder d'autres  droits. Mais le peuple est divisé comme le sont les révolutionnaires eux-mêmes. Dans certaines provinces, les mouvements en faveur de la monarchie et du clergé dont on accepte pas le nouveau statut depuis 1791, se positionnent contre la République. Les Montagnards, pris entre la défense de la République face aux contre-révolutionnaires et à l'ennemi extérieur, prennent des mesures démagogiques et, dans la crainte de perdre le pouvoir au profit des opposants, instaurent la terreur avec l'appui de certains sans-culottes.

   La violence populaire instrumentalisée par la terreur d'État finit par inquiéter la bourgeoisie. Et quand la République échappe aux périls de la guerre, cette bourgeoisie veille à la mise à l'écart du peuple le plus modeste. C'est par l'affirmation du suffrage censitaire  que le Directoire réaffirme le  pouvoir de la bourgeoisie.